Trois cannes et deux moulinets, l'équation ne tourne pas rond la nature exige des concessions. Dents acérées pour l'un, puissance éléphantesque pour l'autre, méfiance affûtée pour le dernier, nos chers carnassiers rivalisent d'atouts pour nous donner du fil à retordre.
Je me décide: la 7-28g. Si comme souvent je ne prends que l'air au moins j'aurais profité de sa légèreté et je me serais offert des sensations à moindre coût à chaque accroc suspect. Les deux moulins par contre... C'est qua force de sonder le lit de le Seine et de lui tisser des colliers de tresse et de plomb je me retrouve dans de beaux draps, mes dévidoirs crient famine.
J'empoigne le tout et traverse le pont le pas enthousiaste et le cœur bâtant, malgré les échecs récents. Je ne peux m'empêcher de jeter un œil en passant, je le fais systématiquement depuis que je suis enfant. Impossible de résister.
Mon nouveau quartier est une invitation à la pêche: deux fleuves s'y unissent et offrent un nuancier de verts et de bleus changeant au fur et à mesure que leurs eaux se confondent. Des berges urbaines abruptes se mêlent à une végétation authentique , une île, des bras morts , des piles de pont, des arbres échoués et des amortis.... autant de cimetière à leurres que j'emplis inlassablement.
J'arrive et je me mets en tailleur juste au bord de l'eau, il va falloir que je déshabille Paul pour habiller Jacques. Mon 13/100 ne fait plus que quelques tours de bobines, je lui préfère la douzaine de mètres supplémentaires que m'offre mon 24/100. Il n'y en a pas assez de toute façon pour contenir les rushs d'un moustachu agacé. Une première chasse bruyante, puis une seconde soudaine à quelques pas si brutale qu'elle me fait sursauter.
Après une heure à balayer des mes leurres un spot, qui juste avant la fermeture m'avait vu frissonner par l'intérêt méfiant d'un énorme brochet, je finis par laisser quelques mètres supplémentaires au fond. Toujours pas une touche malgré l'activité en surface, le même scénario se répète... ma confiance s'étiole et le matériel me lâche, j'hésite à replier.
La persévérance prends le dessus, je fixe directement à la tresse un montage bricolé à la hâte pour traquer le bec. Un triple avec un avançon métallique directement glissé dans ma tête plombée, cette dernière est ornée de la tête d'un
shad pailletée (étrangement coupé en deux lors de ma dernière sortie) et d'une virgule orange imposante sensée convaincre les gros chats. Le tout ne ressemble pas à grand chose mais j'y crois, voilà l'essentiel.
Sur le 1er lancer j'entends un accroc, à y regarder de plus près c'est le nœud qui raccorde ma tresse à ma garniture nylon qui vient de traverser les anneaux cette fois je suis sur la paille!
J'anime tout de même en me disant que c'est la dernière lorsque une énorme chasse en surface me fait ferrer instinctivement. Le combat démarre brutalement, je comprends tout de suite que c'est un brochet et qu'il est gros.
Pour la première fois mon moulinet hurle, un premier rush en direction de la berge me permets de gagner quelques mètres de tresse particulièrement précieux. Je le bride un peu plus pour ne pas me retrouver sur le nylon à nouveau et ravale le mou qu'il me concède dès que possible.
Le poisson fonce vers le fond, le scion de ma canne est complètement plié je le laisse s'épuiser un peu en conservant soigneusement une tension constante. Je profite d'un répits pour m'approcher un peu sur ce quai en pente, canne dirigée vers le ciel. Il repart avec vigueur, sur plusieurs mètres je le vois accélérer comme si il ricochait en surface. J'ai le temps de constater qu'il est parfaitement piqué.
L'échec désormais ne serait plus supportable, je me concentre pour le présenter parfaitement devant cette épuisette achetée depuis notre première rencontre. Car c'est lui je le sais, ce poisson qui il y a quelques mois m'avait suscité tant d'espoir.
Une fois au sec c'est avec un respect quasiment palpable que d’accueil l'animal sur un tapis de cresson. Il a tant de fois gagné et gagnera encore tant de fois que c'est avec beaucoup d'humilité que je vivrais les prochains fiascos car je sais désormais comme il est doux de voir la chance sourire après avoir tant espéré.
Première année, premier permis, je l'ai eu mon 1er gros brochet quasiment 1m et des images gravées pour toujours. Je ne sais pas trop à qui mais j'ai envie de dire merci.
Dernière modification par mec3021: 23 mai 2016 - 16:13
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