Toujours dans mes apprentissages, je parcours la Touvre de temps à autre.
Lors de ma dernière sortie, les herbes ont beaucoup poussé, l'eau est basse et transparente.
Les truites voient arriver les pêcheurs à des kilomètres et entendent très (trop?) bien le crissement des chaussures de wading sur les galets.
Donc approche de sioux, de tireur d'élite: peu de mouvements, pas de couleurs, pas de sons, rien de brillant, des contours flous.
Je me sers de l'ombre des arbres, des buissons, je m'accroupis souvent (j'ai mal partout, vive les 40 ans!), je prends tout mon temps pour approcher les postes.
J'ai adapté aussi mon matos: plus d'agrafe, bas de ligne en 20/100 fluoro de 4m de long. Je n'utiliserai que deux leurres: un microjig Wild Kem Kem marron avec un
trailer un M-
Minnow beige, ou un M-
Minnow gris bleuté sur tp Maria Beak Head II.
Les poissons sont nombreux, de toutes tailles, ils lézardent entre ombre et soleil mais ils sont très tendus: l'orage monte au sud ouest... Il va falloir être rapide.
Au détour d'un herbier, j'aperçois une queue qui dépasse. Un joli poisson, bien plus gros que ce que j'ai pu attrapé jusqu'à lors.
J'ai mon M-
Minnow. J'approche par l'aval et lance en amont. Le ls vient lécher l'extérieur de l'herbier, la truite se décale et fait une attaque très rapide (tiens, j'avais oublié ça...), loupe le ls et repart se cacher.
M..DE!
Je viens de gâcher une chance. Il faut changer de leurre: d'expérience, je sais qu'elle ne prendra pas sur un 2eme passage du M-
Minnow.
Je me recule de plusieurs mètres, toujours en vue de la caudale ondulante dans le courant.
Je prends mon temps pour changer de leurre, mettre mon Kem Kem, refaire mon nœud calmement et proprement. Pas question que le matos lâche.
Je remonte lentement sur le poste, je pose délicatement mes pieds sur le fond. Éloge de la lenteur...
Je me positionne.
Lancé amont, en plein dans l'axe de l'herbier.
Le microjig descend le courant, survole les algues; j'abaisse la canne pour le faire descendre au travers.
La touche est instantanée, très puissante. Mon cœur a bondi dans ma poitrine sous l'effet de la surprise.
"Surtout ne pas décrocher..." me dis je mentalement.
Le frein est parfaitement réglé et la Palms Terra Natura est l'outil idoine pour ce job.
La truite a fait demi tour et elle part en travers du courant, plein pot.
Le frein chante, haut et fort, cette petite ritournelle stridente qui fait chavirer le cœur des pêcheurs. ZZZZIIIII ZZZZIIII ZZZZIIII.
Elle part à une dizaine de mètres avant que je ne reprenne la main.
Je suis accroupi dans l'eau pour ne pas l'effrayer, j'ai de l'eau au torse.
Elle repart vers l'amont avant de faire demi tour vers moi, j'attrape l'épuisette et je la louche au premier passage!
Je suis ailleurs.
Le temps se ralentit, les images se fixent dans ma mémoire, lentement. Je n'entends plus rien, je ne vois qu'ELLE.
L'effet de l'adrénaline qui parcourt mon corps.
Je ne suis pas heureux, je suis au delà.
Mon esprit flotte, j'ai le cul dans l'eau, une parenthèse s'ouvre sur ce moment exceptionnel.
Parenthèse éphémère qui s'achève comme crève une bulle de savon.
C'est le moment que j'attendais depuis tellement longtemps: je tiens enfin ma vraie GROSSE fario de Touvre.
Séance photo acrobatique, il faudrait que je prenne des cours avec Droseasky!
Passage à la toise: 51cm, un robe tigrée superbe.
Et je la laisse repartir dans son monde.
L'orage se rapproche à grands pas, je suis retourné à la voiture, enfin je crois, car personne ne m'a ramené...
Je reviendrais... car il parait que 51cm, sur la Touvre, ce n'est pas si grand que ça...!
Dernière modification par NIKO: 4 aou 2015 - 20:57_________________
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