Je suis d'accord avec toi Jolisandre. Je me permet de soulever plusieurs points intéressants de ton discours, pour y apporter (peut-être) de l'éclairage quant à mon expérience personnelle. Je n'estime pas apporter des vérités, mais plutôt ce qui correspond le mieux à ce qui se passe dans mon département, que l'on pourrait qualifier de "sinistré" question pêche.
Tu me qualifies de "rigoriste intransigeant". Je ne l'ai pas mal pris, bien au contraire, et ne vois pas ma réponse comme une levée de boucliers.
Je crois d'ailleurs que tu as raison. Je suis intransigeant. Pour moi ce n'est pas un défaut, car si j’exècre bien quelque chose, ce sont les adjectifs de "tolérant", "pondéré", "diplomate"...Des termes qui, hélas, aujourd’hui, avec le "politiquement correct" sont presque devenus synonymes d'hypocrisie et d'inaction.
Je m'explique : j'ai été très (peut-être trop) vindicatif suite à l'émission, car dans mon département, très rural, le pêche des carnassiers c'est (à la louche) 80% de
vifeurs, 10% de "cuillèristes", 5% de "leurristes plus ou moins no-killeurs", et 5% d'une nouvelle catégorie apparue récemment, celle qui me fait hérisser le poil, celle des hypocrites qui viennent vers toi pour discuter, prônent (parfois bien vite dans la discussion) le no-kill, mais matent avec insistance le montage sur ta ligne, et demandent moultes renseignements sur les montages, les animations des leurres, etc....Et puis qui mettent un sifflet dans la musette dès que tu as le dos tournée.
J'ai toujours l'impression que les leurristes adeptes du "catch and release" sont les couillons de l'affaire : Nous, nous essayons d'éduquer, de dialoguer, d'expliquer le pourquoi de la nécessité d'un prélèvement raisonné. Le pourquoi du ras le bol des boîtes vides d'asticots balancées à l'eau, des brochets qu'on laisse agoniser dans un sac plastique, des pêcheurs qui lisent le journal dans leur voiture pendant que leurs 4 cannes monopolisent 40 mètres de rives.
Et je dis ça sans animosité, sans carricaturer, croyez-moi : depuis 6 ans que je me suis remis à la pêche, c'est le quotidien de mes sorties. Je dis bien le
quotidien.
Je comprend que certains trouvent mes réactions trop vives, car peut-être vivent-ils aussi une autre expérience; pour avoir passé des vacances pêche dans les landes, également autour de toulouse, dans le lot....Les rencontres au bord de l'eau sont différentes. Les mentalités ont évolué plus vite dans certaines régions, pas dans la mienne.
Quand je vais au salon de Clermont, je suis ravi mais j'ai vraiment l'impression d'être téléporté la 4ième dimension, tant l'ambiance que je vois sur place est décalée par rapport à mon expérience au bord de l'eau.
Jolisandre, tu dis qu'il ne faudrait pas exacerber les clivages....Mon expérience montre que les seuls à vouloir faire évoluer les choses, c'est nous. Pour moi, la réalité est simple : les pêcheurs traditionnels (appelons-les comme ça) ne veulent pas d'une évolution. Et tu as raison, ils ne veulent pas de leurristes no-killeurs au bord de l'eau. Nous qui apparaissons comme des snobs bourrés de fric, parce que nous mettons dans un leurre le prix qu'eux mettent dans une canne. Nous qui faisons souffrir le poisson sans raison apparente, puisque nous ne le mangeons pas. Nous qui enfin piquons du poisson qui, une fois remis à l'eau, ne remordra pas et donc quelque part nous les empêchons de faire du poisson.
Le clivage est là, et je crois fermement que nous rêvassons naïvement en croyant que les mentalités évolueront par le simple dialogue. Pourquoi? J'y vois une raison simple :
les "traditionnalistes" n'aiment pas la pêche. Non, ils ne l'aiment pas. Ils aiment manger du poisson, c'est différent. D'ailleurs beaucoup (avec qui je discute quand même) me le disent : dans leur voiture, à lire le journal et à se geler quand même un peu, ils s'ennuient, ils n'éprouvent pas de plaisir. Le seul plaisir, pour eux, sera celui de passer à table.
Moi je ne vais pas à la pêche pour me destresser, pour fuir la foule des villes ou autres....J'y vais parce que j'aime le bord de l'eau. Et je pense que c'est ce qui nous réunit aussi ici : Ce besoin d'aller pêcher, plus, cet "appel" qui fait que parfois, malgré une météo désatreuse, on y va quand même...Et même quand, agacé des bredouilles qui se succèdent on est découragé, et bien on y retourne. La prise de poisson n'est que la cerise sur le gâteau d'un moment agréable. Pour les traditionalistes, le poisson c'est l'objectif, même si pour cela il faut s'ennuyer ferme pendant plusieurs heures.
Donc en fait on peut leur parler de populations en déclin, de maille de poissons, de nécessité d'avoir les 4 cannes à portée de la main, de prélèvement raisonné; soyons objectifs, ils s'en foutent complètement, et ne changeront pas leurs pratiques, parce "qu'on a toujours pêché comme ça". Et que pour eux, selon une magie qui me dépasse, la ressource est inépuisable, les carnassiers sont doués de génération spontanée, et leur mode de pêche n'est pas à remettre en question.
Je pense même que c'est pire aujourd'hui : quand les milieux étaient plus riches, les traditionnalistes avaient tendance à remettre les petits poissons plus facilement à l'eau, car ils savaient qu'ils feraient an moins un gros dans la session. Ajourd'hui, même eux ont constaté la diminution des belles captures (même si ils ne l'attribuent pas à leur pratique), et ont tendance à garder même les petits poissons, "parce que ce sera mieux que rien si on n'en attrape pas d'autre".
Et tout cela, ce ne sont pas des suppositions de ma part, mais des propos recueillis au bord de l'eau.
Bref, après ce long parpaing, je pense que le clivage existe, et qu'il ne fera que s'accentuer! Car nous sommes de plus en plus sensible à la dégradation des milieux, tandis que les traditionnalistes sont de plus en plus à la recherche de la capture, quelle que soit la taille du poisson, car ils font moins de belles pêches qu'avant.
Je pense que la solution ne viendra pas du dialogue, mais d'une répression (hélas, trois fois hélas! Mais la culture française n'est faite que de cela!!!) : Autrement dit la prise de mesures intransigeantes, avec la garderie qui va avec pour faire respecter le réglementation.
Quelques propositions en vrac :
- Obligation d'un rod-pod pour la pêche au posé.
- augmentation des tailles minimum de capture et suppression immédiate du permis de pêche pour les captures inférieures à la maille.
- application stricte d'un quota d'un carnassier par pêcheur et par jour.
- amende en cas de détritus laissés au bord de l'eau.
Avec ça on va sûrement me classer dans la catégorie des intégristes...Je ne crois pas l'être. Je crois simplement que ces mesures permettront de limiter les abus actuels, et d'améliorer (un peu!) une situation en état
critique.
Comme l'a dit Elorn, ce n'est que la partie émergée de l'iceberg....tout mettre sur le dos des
vifeurs ou même des viandards est trop facile. La dégradation de l'environnement reste la préoccupation majeure.
Il y aurait tant à dire....Mais voilà pourquoi j'ai réagi si vivement à l'émission en question sur pêche-tv : présenter ce que je vis au quotidien dans une émission, ça ne m'a pas choqué. Au contraire, c'est la réalité des choses, il faut bien la monter.
Mais la montrer sans faire preuve d'engagement, autrement dit sans pointer du doigt cette technique aberrante du "papy" (un terme que j'emploie plutôt comme un terme affectueux, et surtout pas irrespectueux), c'est vraiment cela qui, pour moi, est choquant.
Je pense qu'aujourd'hui, on ne peut pas diffuser du média sans être un minimum engagé, quitte à perdre de l'audimat.
Et pour mettre un peu d'eau dans mon vin (si je puis dire), j'ai vraiment adoré l'émission de Gael Rognand, donc si j'ai stigmatisé sur une émission, les critiques que j'a pu faire ne valent pas pour l'ensemble de la chaîne.
Dernière modification par Greg_Boyington: 8 déc 2012 - 11:08_________________
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