Tout débute au magasin de pêche, ce mardi matin à 11h50: il s'agit de choisir ses vifs, pauvres petits cyprins apeurés à l'étroit dans leur bassin. Le banc éclate sous l'assaut répété de l'épuisette maniée avec dextérité par le vendeur. Dix-huit, dix-neuf, vingt poissonnets de taille respectable (8cm

), le compte est bon pour une bonne matinée de pêche. Court passage en caisse, au cours duquel notre vifeur ne bénéficie pas de 10% de réduction accordés uniquement aux leurreurs (discrimination positive

), et le voici repartant avec son vivier surpeuplé.
Une nuit s'écoule, et pendant que notre homme rêve de brochets de tailles légendaires, en sous-sol, c'est l'effroi le plus total dans la pénombre: un des gardons vient de passer de vie à trépas! Ses congénaires tentent de trouver le sommeil.
Le réveil sonne à 4h30: notre gaillard est matinal, il a l'habitude de se lever tôt; en effet, il sait que les carnassiers sont actifs bien avant le lever du soleil, aussi se prépare-t-il rapidement: saucisson, litron, le compte est bon. Mon dieu! Il allait oublier son matériel de pêche et ses vifs! Il démarre.
Arrivé sur le poste de pêche, il déballe ses quatre cannes télescopiques de 4,50m chacune; il les équipe précautionneusement de leurs moulinets, remplis à ras bord de Nylon en 0,40: "il est pas prêt de m'péter le gros bec!!" s'exclame-t-il; l'écho terrifie la nature qui s'éveille. Il monte ses lignes : un bouchon de 30g, émerillon n°3, bas de ligne acier d'une résistance de 20kg et au bout un hameçon n°6.
Soudain, il se dirige vers le saut à vifs; c'est la panique générale lorsqu'il ouvre le couvercle, chaque gardon cherche à s'enfuir, mais c'est trop tard, ils le savent bien; d'une main ferme, notre vifeur s'empare d'un cyprin, le loche, et l'envoie à 40m de là. Il est 5h44, le soleil se lève à 6h32, il va réussir sa journée de pêche.
Plaffff! Le gardon étourdi se réveille sous 4m d'eau, écrasé par la pression. Il tente bien de remonter vers la surface, mais?? Une olive de 25g l'en empêche. Il est condamné, le mieux serait alors de finir dignement dans la gueule d'un brochet...Tiens, justement en voici un qui s'approche! Un brochet?? Pris de panique notre vif s'agite frénétiquement; en surface le spectacle est total, notre pêcheur voit le bouchon tressauter légèrement; épuisé, le petit gardon se laisse avaler par le prédateur irrésistiblement attiré par ce remue-ménage.
C'est la touche, le flotteur se met à partir; expérimenté, notre vifeur laisse le temps au brochet d'ingurgiter sa proie. Après 5mn d'attente (et 50cl de rouge sifflés

), il se lève, prend la canne à deux mains et ferre: il y est!!!
S'engage alors un combat tout en puissance, le brochet se laissant ramener sans opposer aucune résistance. Notre pêcheur admire sa prise: " au moins 55cm!!" lâche-t-il triomphant. Après opération chirurgicale (le brochet ayant engamé profondément), le poisson est tué et proprement rangé dans la glacière.
Le rituel est ancestral: chaque poisson pris est allongé avec ses congénaires dans une spacieuse glacière prévue à cet effet (notre vifeur est prévoyant

).
Lorsque midi sonne, notre ami est content; non seulement il a fini sa bouteille de rouge, mais aussi, comme il le présageait, il a réussi sa matinée; dans la glacière, 4 brochets de 45 à 55cm; pas de monstrueux brochet comme il le souhaitait, mais comme il le dit lui-même: "les gros poissons sont de plus en plus rares!" Il range donc son matériel, plie amoureusement ses cannes, les range dans sa voiture et démarre.
Il est 12h34. Il y aura du brochet au menu ce soir.
A lire:
La journée d'un lureman
Auteur initial :
FiL | 24 fév 2004
Révision courante :
achigan | 24 oct 2006
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